Les objets insolites N°12
Le « beurre d’Anderlecht » : entre mythe et réalité
Pendant la période de réorganisation du béguinage, la Maison d’Érasme met chaque mois à l’honneur un objet insolite appartenant aux vastes collections historiques, archéologiques, d’art populaire et religieux des musées communaux. Le musée présente ce mois-ci des moules à beurre, aliment dont la production faisait la renommée d’Anderlecht.
1. Moule à beurre
Moule à beurre circulaire en bois, avec un motif de taureau couché
Belgique
Bois
1900-1950
Diam. 7,5 cm
Inv. BEG 01092
2. Moule à beurre
Moule circulaire à beurre en bois, avec un motif représentant un poisson
Belgique
Bois
1900-1950
Diam. 7,2 cm
Inv. BEG 03800
Les premiers guides touristiques du XIXe siècle dépeignent le paysage champêtre d’Anderlecht, couvert de verdoyantes prairies, sur lesquelles paissent tranquillement des troupeaux de bétail. Le lait récolté sert à la production du « beurre d’Anderlecht » qui, tant par sa qualité que par son goût raffiné, est l’un des mets les plus appréciés de Bruxelles. Le Musée de la Maison d’Érasme et du Béguinage vous propose un voyage dans ce passé communal au travers des moules ayant servi à la production de cet aliment lacté.
La légende
L’histoire de son succès débute lorsque saint Guidon (ca. 950-1012), sacristain de Notre-Dame de Laeken et saint patron d’Anderlecht, bénit le beurre de cette région, expliquant sa grande qualité et la renommée dont il jouit ensuite. Plusieurs siècles plus tard, Charles Quint (1500-1558), empereur du Saint-Empire germanique, demande à une laitière nommée Aléna originaire d’Anderlecht , de lui servir à manger lors d’une promenade estivale dans la commune. Elle lui propose alors une tartine beurrée accompagnée de lait, tous deux produits localement. A la fin du repas, son auguste invité, séduit par ces aliments, promeut la jeune fermière au titre de fournisseur de la cour. À partir de ce moment, les laitières de la commune d’Anderlecht se dirent descendantes d’Aléna, et furent autorisées à apposer la couronne impériale sur leurs produits. La réputation du beurre d’Anderlecht est attestée par des documents historiques. Ainsi, un rapport du département de la Dyle, dont le chef-lieu est Bruxelles, l’évoque comme le plus recherché et le meilleur de la région. La consommation de cette denrée est importante au XVIIIe siècle, mais diminue de manière significative à l’époque contemporaine. Certains imputent ce changement à la réduction des cheptels causée par l’accroissement démographique.
La production du beurre d’Anderlecht
Si les échos de la renommée de cet aliment nous parviennent encore aujourd’hui, peu d’informations subsistent en revanche quant à sa production. Connu depuis l’Antiquité, le procédé de la fabrication du beurre n’a que peu évolué au cours des siècles. Tout d’abord, le lait est séparé de la crème, qui est mise à maturer quelques jours, avant d’être placée dans une baratte. Celle-ci permet de battre la substance grasse afin de séparer le beurre du petit lait. La pâte grumeleuse ainsi obtenue est malaxée jusqu’à devenir lisse, et est ensuite pressée dans un moule. Les pièces présentées ici servaient non seulement à évaluer le poids de la motte de beurre produite, mais permettaient également d’y appliquer un motif ou l’emblème du producteur. La plupart du temps, il s’agit de variantes portant sur le thème de l’agriculture, et les moules du musée ne font pas exception. On peut ainsi y voir un taureau allongé, une fleur ou encore un poisson. Ces pièces datent vraisemblablement, d’après la qualité des motifs représentés, de la première moitié du XXe siècle, et sont réalisées par des boisseliers. Ces artisans sont spécialisés dans la fabrication d’objets en bois destinés à mesurer une quantité donnée d’aliment, leur nom provenant de l’ancienne pondération en boisseau. Si, avec la dictature des régimes actuels, le beurre a perdu de sa superbe, il a, durant de nombreux siècles, été la principale source de matières grasses de la population, comme en attestent les moules et étampes à beurre conservés dans nos musées, et dont certains exemplaires similaires aux nôtres peuvent être admirés au musée de la Vie wallonne. L’histoire des beurres d’Anderlecht, loin d’être seulement une légende, a traversé le temps pour nous parvenir grâce à ces quelques artéfacts, témoins d’un passé révolu.
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Informations pratiques sur votre visite
Recherches et texte
Meggy Chaidron
Remerciements
Zahava Seewald, Céline Bultreys, Marcel Jacobs
